lundi 25 novembre 2019

Des dizaines de milliers de dossiers d'asile rejetés sans instruction. Le cauchemar des « rejets par ordonnances » à la CNDA.


Prochain cercle de silence de Strasbourg
samedi 30 novembre 2019, 18-19h place D'AUSTERLITZ
rejoignez-le, même quelques instants
(attention lieu inhabituel pour cause de marché de Noël)

Notre message de ce mois a été rédigé après une interview de Pascale Adam, directrice de CASAS1, qui souhaite attirer notre attention sur une catastrophe touchant actuellement le monde de l'asile.

Lorsqu'un demandeur ou une demandeuse d'asile voit sa demande de statut de réfugié rejetée par l'OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et apatrides), il ou elle peut, comme contre n'importe quelle décision administrative, former un recours devant la justice pour contester ce refus. C'est la CNDA (Cour Nationale du Droit d'Asile), une juridiction unique siégeant près de Paris, qui juge ces recours.
Et comme les autres juridictions administratives, la CNDA peut rejeter immédiatement, sans audience et par juge unique —la loi parle de « rejet par ordonnance2 »—, un recours qui lui est soumis, quand celui-ci est irrecevable (c'est-à-dire enfreint une exigence formelle, par ex. est reçu hors délai ou pas rédigé en français) ou manifestement infondé. Nous nous intéressons à ce dernier motif. C'est ce que fait la Cour quand par exemple le recours est incohérent et incompréhensible, ou s'appuie sur un argument hors du champ de l'asile : « je suis venu(e) en France pour travailler » etc., ou ne donne aucun argument en réponse à la décision contestée de l'OFPRA.
Ces rejets par ordonnance pour recours « manifestement infondés » n'ont cessé de croître : ils étaient 9 % des décisions de la Cour en 2009, 12 % en 2010, plus récemment 17,5 % en 2015, 21 % en 2016, 26 % en 2017, 30 % en 2018, d'après les rapports annuels de la CNDA3. Ces chiffres soulèvent la curiosité : que se passe-t-il, pour que la proportion de recours « manifestement infondés » semble ainsi croître jusqu'à des niveaux élevé ? Les dossiers sont-ils en cause, ou le fonctionnement de la Cour ? (Voir plus bas un élément de réponse)
À Strasbourg, l'association CASAS aide depuis plus de trente ans à la rédaction de ces recours. Sa directrice, Pascale Adam Guarino, explique que les rejets par ordonnance n'ont longtemps concerné que quelques pour cent des recours pris en charge par l'association : des dossiers incontestablement dépourvus d'argument. L'association voit exploser ce type de rejet, particulièrement depuis 2019. Désormais ils visent probablement plus d'un tiers de ses recours, quasi tous sérieux, méritant audience.