lundi 26 novembre 2018

Rétention : toujours plus , toujours plus violente

Prochain cercle de silence de Strasbourg
vendredi 30 novembre 18h-19h place d'Austerlitz.
Rejoignez-le, même quelques minutes

Attention, le cercle de silence se tiendra place d'Austerlitz, la place Kléber étant, comme toute la grande île, interdite aux manifestations pendant le marché de Noël.

Il y a comme d'habitude énormément à dire sur le traitement réservé aux étrangers. Nous ne mentionnons que deux choses ce mois-ci : la Libye encore, et la violence croissante de la rétention des étrangers en France.

Le retour forcé en Libye des naufragés recueillis sur le navire marchand Nivin, ordonné par la Libye, est un exemple de conséquence de ce que nous relayions par oral en septembre, et dans notre dernier message : l'enregistrement de la zone SAR de la Libye par l'Organisation Maritime Internationale en juin dernier. Dans cette vaste zone au-delà de ses côtes, la Libye est désormais responsable de la coordination des secours en mer, et ordonne le débarquement des naufragés… dans ses propres ports, ce qui est illégal mais sans recours possible. La possibilité technique de cet enregistrement est le résultat d'un patient travail de l'Italie et des États de l'Union Européenne, depuis plus de deux ans. Il a fallu le refus de débarquer des 79 naufragés (maintenus loin des médias par le pouvoir libyen), finalement débarqués violemment le 20 novembre et poursuivis pénalement pour « piraterie », pour qu'on parle un peu de cela (ici, un article, ici deux vidéos au journal de France 24).
Ces ignominies vont désormais être le quotidien. Les camps libyens de détention des étrangers (juste parce qu'ils sont étrangers, sans poursuite pénale) sont des lieux de torture, de faim, d'esclavage au sein d'un système d'exploitation rodé, d'extorsions, de sévices physiques et sexuels, de maladie, de mort. Tout cela est parfaitement documenté. Le pays lui-même est un enfer pour les étrangers. L'Europe entière, dirigeants compris, s'en était émue par exemple lors de la sortie d'une vidéo clandestine de vente d'esclaves aux enchères en novembre 2017 par une journaliste de CNN. Cette même Europe —ses dirigeants, nous tous— en est pourtant complice active, prisonnière de sa peur panique et fantasmatique de l'arrivée d'étrangers sur son sol.

La rétention des étrangers en France révèle toujours davantage sa violence.
  • Au centre de rétention de Geispolsheim, un Géorgien désespéré s'est agrafé les lèvres et a arrêté de s'alimenter pendant plusieurs jours. Il a ensuite fait savoir au service médical qu'il allait se suicider. Estimant son passage à l'acte extrêmement probable, ce service a jugé son état incompatible avec l'enfermement. Il a été libéré. Les cas d'automutilation et d'autres gestes de désespoir reviennent régulièrement en CRA.
  • Un jeune homme s'est pendu en septembre au CRA de Toulouse. Début novembre, un homme a tenté de se pendre au CRA de Cayenne.
  • Au CRA de Vincennes, l'ASSFAM signale une personne atteinte d'une pathologie lourde qui signale « ne plus en pouvoir », « ne pas aller bien du tout » et vouloir « en finir avec la vie ». Au centre de rétention du Mesnil-Amelot, à côté de Roissy, c'est une jeune femme infirme et lourdement handicapée après des sévices subis dans son pays qui est enfermée. « Son quotidien au centre de rétention n’est rendu à peu près viable que grâce à la solidarité des autres personnes retenues, qui lui viennent en aide pour des gestes aussi élémentaires que boire et manger, et l’entendent pleurer seule dans sa cellule la nuit. ». Après plusieurs semaines, elle a finalement été libérée par le juge des Libertés et de la Détention. Ce juge même que la nouvelle loi Immigration d'août dernier éloigne encore un peu des retenus. On voit pourquoi. Depuis le début de l'année, plusieurs centaines de personnes ont été expulsées après 24h d'enfermement, c'est-à-dire sans avoir pu voir un juge.
  • En Guyane, le préfet enferme et expulse une mère célibataire puis confie sa fille de neuf ans aux services sociaux. Séparées, la mère et la fille n'ont même pas pu se dire au revoir. Juste après, il enferme une autre femme et place ses enfants en famille d'accueil. Puis enferme une femme en CRA en laissant ses deux enfants seules à l'extérieur. Plus tard c'était le cas de deux pères célibataires laissant seuls des enfants de 6, 8 et 14 ans.
  • La rétention des enfants continue et s'amplifie, comme jamais. Fin octobre, une fillette de sept ans, élève de CE1, était par exemple enfermée au CRA de Rennes, puis un garçonnet de six ans. C'est un traitement inhumain et dégradant, donc interdit, comme l'a jugé à six reprises, contre la France, la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
  • Un père d'enfant français a été enfermé en rétention, en vue d'un expulsion, illégale de ce fait.
  • Un jeune mineur marocain a été enfermé au centre de rétention de Vincennes pendant 37 jours et renvoyé de force dans son pays. C'est bien sûr illégal. Un autre mineur marocain a été semblablement enfermé au centre de rétention de Bordeaux.
  • Un préfet a enfermé une jeune Syrienne pour la renvoyer en Syrie. Elle a été libérée par le juge pour « enfermement sans perspective d'éloignement ».
Etc. etc. Hélas, nous rappelons que la nouvelle loi étend à 90 jours la durée maximale de rétention. La France détient le record d'Europe du recours à l'enfermement des étrangers. Depuis quelques mois, elle y recourt encore davantage, les CRA sont pleins et deviennent donc des lieux d'encore plus grande promiscuité et violence. Vous pouvez lire ici un petit panorama par la Cimade. Et… l'État va dépenser 40 millions d'euros à y accroître les places.

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