Prochain cercle de silence de Strasbourg
lundi 30 janvier, 18h-19h pl. Kléber
Rejoignez-le, même quelques instants
Ce mois-ci (sans exhaustivité aucune, et en seulement 3 semaines) :
1 – L’enfermement administratif est une horreur : paroles de femmes du Mesnil-Amelot.
2 – L’enfermement administratif permet des horreurs : expulsions vers la Syrie, l’Afghanistan, l’Iran (inclus : une préfecture se paye notre tête —et celle d’une femme qui risque sa vie—, un grand raffinement dans l’odieux).
3 – L’enfermement en ZA aussi est une horreur : visite d’un sénateur à la ZA de l’aéroport de Bâle-Mulhouse.
4 – L’enfermement administratif et l’impunité policière donnent lieu à des horreurs : deux scélératesses policières (les auriez-vous imaginées ?).
5 – L’enfermement administratif tue : deux tentatives de suicide en une semaine au CRA de Rennes.
6 – La propriété est un droit inviolable et sacré. Deux vidéos de 5 secondes.
7 – Un homme s’est suicidé à Calais.
Et nous terminons par Aimé Césaire.
1 – Les personnes en rétention n’ont presque jamais la parole. Vous pouvez lire ici celle des femmes du CRA du Mesnil-Amelot (=Roissy) :
Début janvier elles ont cessé de s’alimenter pour protester contre leur traitement par la police gérant le centre et leurs conditions d’enfermement. Vous trouverez dans le lien une copie de leur lettre de plainte. La grève a semble-t-il cessé.
NB : une recherche sur internet semble montrer que cette information et cette parole n’ont été relayées par aucun média.
2 – Les règles internationales et européennes interdisent absolument de renvoyer une personne dans un pays où elle risque torture ou mauvais traitements. Mais l’administration enferme des personnes en rétention et cherche à les expulser vers
a) la Syrie
source : https://www.amnesty.fr/presse/des-prefectures-tentent-dexpulser-deux-syriens-vers-la-syrie
(« L’ambassade de Syrie en France a été contactée par les deux préfectures [Haute-Garonne et Paris] pour signaler [l’enfermement des personnes et l’OQTF], et […] pour solliciter […] un laissez-passer et permettre l’éloignement vers la Syrie. [Faute de passeports] C’est le refus de l’ambassade syrienne qui a permis d’empêcher l’expulsion. » « Deux préfectures ont prévenu les autorités syriennes de la présence en CRA de ces personnes et de leurs identités, sans précaution quant aux risques qu’elles pourraient encourir face à ces autorités en cas de retour dans leur pays, mais des juges [qui ont validé la procédure et l’enfermement] n’y ont vu aucun problème, alors que des exemples récents de meurtres, disparitions et tortures de réfugiés retournés récemment en Syrie ont été documentés, et que la guerre et la répression continuent. »)
b) l’Afghanistan, par le préfet de la Vienne (alors que le gouvernement affirme qu’il n’expulse pas vers ce pays)
source : https://twitter.com/chironpaul/status/1615391450153517057
c) l’Iran (Trois femmes, qui font état de menaces très graves et directes envers elles !). Le gouvernement affirme aussi qu’il n’expulse pas vers l’Iran.
Là encore les préfectures contactent les représentations diplomatiques de l’Iran : « Aussi, je sollicite de votre haute bienveillance la délivrance d’un laissez-passer consulaire à son nom lui permettant l’accès à votre territoire. » (le préfet de Savoie).
Et cette pure merveille : « Sollicitée, la préfecture de Savoie nous répond qu’« une OQTF ne signifie pas automatiquement une reconduite » et affirme qu’il n’y a « pas de reconduite vers un certain nombre de pays, dont l’Iran fait partie ». « Même en l’absence d’annulation par le juge, la ressortissante iranienne n’aurait donc pas été reconduite ». Il est difficile de faire mieux en terme de se payer notre tête. Et aussi : l’habitude de l’enfermement punitif, indépendant d’une expulsion effective, est depuis longtemps dénoncée ; elle est ici finalement admise sans fard. Enfin : dans ce cas l’Iran ne se serait pas privé de récupérer une opposante en fournissant le laisser-passer. Seul un point de procédure a fait libérer cette femme du CRA.
En
même temps,
le gouvernement soutient officiellement
le
peuple iranien et son slogan
« Femme,
OQTF, rétention »
« Femme,
vie, liberté ».
3 – le sénateur du Bas-Rhin Jacques Fernique a utilisé son droit de visite des lieux d’enfermement pour visiter la Zone d’Attente de l’aéroport de Bâle-Mulhouse (=lieu d’enfermement, jusque durant 26 jours, avant renvoi ou admission (rare), des personnes dont l’entrée en France est refusée). Voici son bref récit.
https://threadreaderapp.com/thread/1615678368132866048.html ou version avec les photos:
https://twitter.com/JacquesFernique/status/1615678368132866048
Il y a une centaine de ZA en France, pour plusieurs milliers d’enfermements par an (par exemple 9855 en 2019). Le droit y est, heu… très peu contrôlé (détails : https://www.infomigrants.net/fr/post/27633/les-zones-dattente-aux-frontieres-ces-lieux-de-nondroit-ou-les-etrangers-sont-desormais-soumis-au-flair-policier).
4 – Scélératesse.
a) Une femme en séjour irrégulier est enfermée en rétention après que son compagnon a été assassiné sous ses yeux. Cinq jours plus tard elle demande à dire au revoir à son corps. Réponse de la police : « elle peut le faire en visio ».
source, avec autres détails :
twitter.com/LaDer93/status/1610971681853526017
b) Une personne du Mali résidant en France depuis 2005, avec deux enfants nés et résidant en France, est contrôlée et arrêtée par la police. La préfecture lui adresse une OQTF (obligation de quitter le territoire) avec interdiction de retour en France pour 2 ans. La contestation n’en est possible que dans les 48 heures (ensuite, même si la mesure est illégale, elle ne peut plus être invalidée). Mais la police refuse de lui donner le document (et donc de pouvoir le contester), le policier lui disant que si elle n’est pas contente, elle peut « retourner en Afrique ». Seule une intervention d’avocat, qui a dû revenir deux fois (« le papier est introuvable ») contraindra la police à s’exécuter, et permettra la contestation 25 minutes avant la fin du délai.
source : https://twitter.com/ccclxxix/status/1611403798374645760
5 – Deux hommes ont tenté le suicide en une semaine au CRA de Rennes. Pour l’un : « En France depuis 2003, il se dit épuisé par l’acharnement de la préfecture, et par la criminalisation dont il fait l’objet » (la Cimade). Pour l’autre : lors d’un précédent enfermement en CRA, il avait déjà tenté de se suicider. Il avait ensuite été suivi par un psychologue. « Malgré ces informations, dont la préfecture avait connaissance, il a de nouveau été enfermé à Rennes. Avant de commettre ce geste, il nous avait à plusieurs reprises témoigné sa détresse face à son enfermement. » (la Cimade). Tentatives de suicide et automutilation sont courantes en CRA.
6 – Le 8 décembre la France était à nouveau condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour abandon à la rue, sans ressources, de demandeurs d’asile (traitement inhumain et dégradant, non-accès à un tribunal, non exécution de décision de justice interne).
https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-221264
Eh
bien regardez comme notre pays continue de traiter ces gens (vidéos
de quelques secondes). Et, au passage, comment elle traite leur
propriété.
https://twitter.com/Utopia_56/status/1611673062386065410
https://twitter.com/Utopia_56/status/1611296277936984065
7 – Un homme soudanais de 30 ans est mort à Calais ; il s’agit probablement d’un suicide, il s’est jeté sous un train. Comme déjà dit ici, le but du gouvernement est de rendre la vie infernale aux personnes voulant rejoindre l’Angleterre. Il est atteint.
Nous avons déjà cité Aimé Césaire ici. Comme il reste opportun à chaque minute qui passe, nous le citons à nouveau. Vous saurez adapter aux circonstances ; le degré du mal varie, mais ni sa nature, ni ce à quoi il aboutit.
« Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viêt Nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, […] une gangrène qui s’installe, […] et qu’au bout de tous ces traités violés, […] de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, […] il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent.
Et alors, un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour : les gestapos s’affairent, les prisons s’emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets.
On s’étonne, on s’indigne. On dit : « Comme c’est curieux ! Mais, bah ! C’est le nazisme, ça passera ! » Et on attend, et on espère ; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, […] que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice ; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, […] on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens ; que ce nazisme-là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies, de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne. »
Discours sur le colonialisme, 1950.
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