dimanche 24 mars 2024

Pratique d'interceptions de bateaux dans la Manche

 Prochain cercle de silence de Strasbourg

samedi 30 mars, 18h-19h pl. Kléber

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Dans la Manche, les forces de l'ordre interceptent des bateaux de fortune essayant de joindre l'Angleterre, et mettent des vies en danger.
C'est contraire à la loi et aux instructions officielles de la Préfecture maritime, mais des journalistes du Monde, de The Observer, du Spiegel et de Lighthouse Reports l'ont documenté.

Voici de petits extraits de l'article du Monde (Tomas Statius, très bon travail sur ces sujets), des liens plus complets et un commentaire.

-----------quelques extraits----------------

(interview le 12 mars) "Ziko (prénom changé), 16 ans [...] jeune Somalien, a déjà essayé cinq fois de gagner le Royaume-Uni [en bateau]. A chaque fois sans succès. Systématiquement, les policiers sont intervenus pour stopper l’embarcation à bord de laquelle lui et d’autres espéraient traverser la Manche. « A chaque fois, ils ont crevé le bateau ».
Il y a environ deux semaines de cela, les policiers ont fait une manœuvre au large de la plage de Gravelines (Nord). Ils ont fait obstacle au canot alors qu’il était déjà en mer. « On était à plusieurs dizaines de mètres des côtes quand un bateau pneumatique avec cinq ou six policiers s’est approché et a crevé notre embarcation. » Ziko rapporte que lui et la cinquantaine de passagers sont tous tombés à l’eau. « J’avais de l’eau jusqu’à la poitrine, c’était très dangereux. Il y avait des enfants qui étaient portés à bout de bras par des adultes pour ne pas se noyer. »"

Les journalistes ont "documenté différentes situations, parfois filmées, où des tactiques agressives similaires à celles que dénonce Ziko ont été employées depuis juillet 2023. D’après nos informations, elles sont même comptabilisées par le ministère de l’intérieur sous la dénomination explicite d’« interceptions en mer ». Des données d’une sensibilité telle qu’elles ne font l’objet d’aucune publicité."

Les autorités nient ou admettent mais en minimisant la gravité et affirmant que tout est dans les règles.

Pourquoi ? Parce que la France accepte le rôle de sous-traitant que lui délègue le Royaume-Uni.

"Londres annonce le versement sur trois ans de 543 millions d’euros à la France pour « stopper davantage de bateaux »  [en 2018]."

L'argent finance énormément d'équipements. Mais :

-" Il n’est pas question ici de sauvetage en mer, au grand dam de certains opérateurs qui verraient bien leur flotte renouvelée alors que les naufrages d’embarcations sont récurrents et mettent à rude épreuve les équipages."

- "« Cela a vraiment contractualisé la relation entre les deux pays, rapporte un cadre de la Place Beauvau, sous le couvert de l’anonymat. Les Anglais se comportent avec nous comme nous on le ferait avec un pays tiers. Ils mettent une pression énorme au quotidien sur le déblocage des crédits, si les chiffres ne s’améliorent pas. C’est non-stop et à tous les niveaux. »"

Il y a également beaucoup de morts à grande proximité du rivage, suite à l'augmentation de la violence des embarquements, qui s'effectuent sous menace policière accrue. 19 morts depuis août 2023 selon le parquet.

-------------liens----------------

Ici Tomas Statius résume lui-même https://threadreaderapp.com/thread/1771608657165201551.html

Article détaillé en accès libre mais en anglais. https://www.lighthousereports.com/investigation/sink-the-boats/

Article du Monde commençant par une très courte vidéo en accès libre https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/23/dans-la-manche-les-techniques-agressives-de-la-police-pour-empecher-les-traversees-de-migrants_6223777_3224.html

--------------commentaire---------

Il n'y a pas de pays par nature "méchant" ou "gentil". La Libye n'est pas intrinsèquement "méchante".
Les mêmes causes produisent les mêmes effets. La déshumanisation des étrangers et des étrangères (un "problème", des "flux" à "stopper") et la pression politique, aboutissent en Méditerranée, chez les polices libyenne ou grecque, ou bien dans la Manche, chez notre police, aux mêmes effets : la violence, la mise en danger des bateaux, la mort.
Rien ne nous protège du pire.

Ce qui est documenté nous montre aussi en retour le crime que nous commettons par la pression politique et financière que nous infligeons depuis des décennies, à travers l'Union Européenne, sur les pays de transit (surtout africains) pour qu'ils empêchent à tout prix les passages (les "pays tiers" évoqués plus haut dans les propos rapportés). Notre pays lui-même se met à commettre des actes dangereux quand il reçoit une telle pression, ici du Royaume-Uni. Pourtant nous sommes riches et n'avons pas besoin de cet argent, et notre pays a censément des mécanismes pour faire respecter l'État de droit.
Par la pression à laquelle nous soumettons de nombreux pays, nous sous-traitons la mort. Avec les mains propres, formellement.

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Nous transmettons aussi la réaction d'Hélène Boulanger, présidente de l'Université de Lorraine, après le vote de la loi Immigration en décembre. https://www.univ-lorraine.fr/wp-content/uploads/2023/12/cp_ul_reaction_presidente_loi_immigration_2023.pdf

Nous ne devons qu'à la censure du Conseil Constitutionnel, pour des purs motifs de procédure ("cavaliers législatifs") d'échapper à de nombreuses mesures de type "préférence nationale". Dans le cas des universités, elles seraient venues blanchir nos amphis dans un entre-soi riche ou occidental. Quelle perspective merveilleuse ! Une gentille petite ségrégation en douceur. Elle est toutefois déjà partiellement effective (avec les droits d'inscriptions "différenciés" depuis 2018) et n'est que très provisoirement éloignée.

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