samedi 28 juillet 2018

« Si vous voulez la loi, allez en Angleterre ! »

Prochains cercles de silence de Strasbourg
lundi 30 juillet et jeudi 30 août, 18h-19h, place Kléber
rejoignez-le, même quelques instants

Une information déjà : l'association CASAS vous invite à l’avant-première de Fortuna, film multi-primé sur le thème des demandeurs d’asile et de leur attente. C'est au cinéma Star Saint-Exupéry jeudi 30 août, 20 h 15. Ici la bande-annonce.

Ce mois-ci nous mettons l'accent sur le (non)-respect de la loi par notre pays, envers les étrangers. Ce qui suit est un simple recueil d'informations toutes publiques, qui ensemble forment un tableau frappant.

« Si vous voulez la loi, allez en Angleterre ! » C'est ce que répond un officier de police (CRS) à une bénévole anglaise à Calais, capté dans cette brève vidéo.

Nous ne savons pas si l'Angleterre respecte ses propres lois, envers les étrangers. Mais la réplique de ce policier a le mérite de dire franchement le comportement de notre pays envers eux : piétiner la loi est courant, quand ce n'est pas simplement la consigne. Ce n'est pas formel : c'est très grave, abîme et tue des gens.
[Sur l'Angleterre : en fait, bien sûr, elle ne respecte pas sa loi envers les enfants à Calais qui auraient légalement le droit à un visa pour le Royaume-Uni. Elle ne respecte pas non plus sa propre loi sur son sol.]

Ce mois-ci, nous vous en proposons une consternante chronique (loin d'être exhaustive) : ce qui se passe doit être répercuté. C'est l'été, peut-être avez-vous un peu de temps. Nous vous invitons donc à vous installer et faire ce petit voyage dans la « patrie des Droits de l'Homme » et de le proposer à vos proches. Nous renvoyons à des liens pour les sources et les détails.

Il est incompréhensible qu'aucun de ces faits n'ait suscité un scandale national.


Calais. Nous vous invitons à découvrir ce qui s'y passe comme une bénévole d'une association l'a peu à peu découvert, au fur et à mesure de son séjour là-bas. Son témoignage est rassemblé ici, il recoupe nombre de rapports associatifs mais se lit aussi comme une histoire personnelle, qu'il est. (La plate-forme rencontre parfois des difficultés d'affichage sur certains navigateurs ; si cela vous arrive, essayer de changer de navigateur.) Le préfet du Pas-de-Calais a voulu intimider cette bénévole en la menaçant de poursuites en diffamation, (sans suite, et pour cause) : l'administration est tout de même gênée que ce qui se passe soit su.

Renvois au Soudan. La France renvoie des demandeurs d'asile au Soudan. Là-bas, ceux-ci sont torturés —et il a fallu qu'un journal américain, le New York Times, déniche cette information. La France invite des policiers soudanais à interroger des demandeurs d'asile soudanais enfermés en Centre de Rétention. Vous avez bien lu. La Belgique a fait de même, le scandale a mené là-bas le Parlement a créer une commission d'enquête, le Premier Ministre a dû s'expliquer devant elle. Chez nous, rien. Le dictateur Soudanais, Omar el-Béchir, est le seul chef d'État en exercice a être sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour Pénale Internationale (pour génocide, crimes contre d'humanité et crimes de guerre). Ce ne sont pas des faits isolés ; il s'agit d'une collaboration datant d'au moins 2014, de notre police avec celle de ce dictateur.

Frontière italienne. Les rapports cinglants de deux Autorités Administratives Indépendantes, celui du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté et celui de la Commission Nationale Cause Toujours Tu M'Intéresses Consultative des Droits de l'Homme, (résumé ici dans un article de la Croix) ainsi qu'un rapport de l'association Oxfam, documentent de façon concordante les violations massives de la loi par la police à la frontière italienne. Falsification de dates de naissance pour faire passer des mineurs pour majeurs et les renvoyer illégalement, renvois en Italie hors de toute procédure, policiers ôtant les semelles des chaussures d'enfants arrêtés (Oxfam), privation de liberté « dans des lieux hors de tout cadre légal et dans lesquels aucun droit ne peut véritablement être exercé » (CNCDH), parfois indignes, sans nourriture, à trois dans 9 m2, avec des cabines sanitaires repoussantes et sans éclairage (on fait caca porte ouverte ou dans le noir) ou, pour femmes et enfants, le passage de la nuit dans une salle d'attente sans lit (CGLPL)… La députée européenne Michèle Rivasi, faisant une visite dans un local de la Police aux Frontières de Menton, y a découvert une note manuscrite affichée : « Si presse sur place, pas d'embarquement de mineurs dans les trains pour Vintimille » (ce qui est illégal : un mineur isolé doit être pris en charge, point. Et les mineurs ne peuvent être en séjour irrégulier : les titres de séjour sont uniquement exigés des majeurs. Voilà la loi. Et heureusement. On ne joue pas au ping-pong Italie-France sans fin avec des enfants. Des enfants. Au fait, voilà une conséquence de ce mépris de la loi : « Des enfants migrants obligés de se prostituer pour passer la frontière franco-italienne », article de l'Obs). Bref, les consignes données à la police sont de violer la loi mais de ne pas le montrer. Plus globalement, par la traque qu'elle mène des étrangers à la frontière italienne par tout moyen légal ou illégal, et le déni de leur droits fondamentaux, « la République renonce au principe d'humanité et se rend même complice de parcours mortels » (CNCDH), plusieurs cadavres ayant été récemment retrouvés dans les Alpes.
La CNCDH souligne en outre que le premier accueil et l'accès aux droits fondamentaux est « laissé à la seule générosité des citoyens », générosité contre laquelle le pouvoir s'acharne.

Enfants à la rue. Plus de 400 enfants isolés dormaient dans les rues de Paris chaque nuit en février 2018, indique un rapport de Human Rights Watch, corroboré par Médecins Sans Frontières. C'est « la conséquence directe de procédures arbitraires, de retards excessifs dans la détermination de leur statut de mineur ou tout simplement suite à un refus de prise en charge. » Leur prise en charge est une obligation légale. Une psychologue de MSF : « peu ont été à la rue dans leur propre pays. [Ici], ils sont quotidiennement exposés à de multiples risques liés à cet environnement, sans répit physique. Quant à leur psychisme, il est en permanence en alerte, sur le mode de la survie. »

Séparation d'avec leurs parents et enfermement d'enfants. Après le scandale des enfermements d'enfants séparés de leurs parents au États-Unis, une ministre française réagissait dans une émission télévisée : « Séparer les enfants migrants de leurs parents contrevient à tous les droits de l'enfant. La France n'a pas ce type de pratiques. ». Sur twitter, plusieurs avocats et l'Ordre de Malte France (mandaté pour assurer des permanences juridiques dans certains Centres de Rétention) ont alors signalé que… si. Ce n'est pas collectif et revendiqué comme aux États-Unis, mais c'est une pratique constante. Lire ici, ici, ici, ici, et une synthèse (plus large)  : des centaines d'enfants sont concernés, notamment d'une part aux frontières, d'autre part à Mayotte. À Mayotte c'est massif, en voici un ancien exemple (le Gouvernement le sait tellement bien qu'il est arrivé la chose suivante. Dans la loi Asile-Immigration, le Sénat avait amendé le texte pour interdire explicitement l'enfermement d'enfants séparés de leurs parents. Le gouvernement a fait supprimer l'amendement pour le remplacer par un amendement abject légalisant au contraire explicitement cette pratique —en instituant un « rattachement » fictif à n'importe quel adulte enfermé au même endroit—, justifié avec la plus parfaite hypocrisie). Tout cela n'est pas nouveau, vous trouverez un témoignage de 2009 ici.

Enfermement des enfants en rétention. C'est illégal, la Cour Européenne des Droits de l'Homme l'a jugé à présent six fois, dans des décisions rendues à l'unanimité (mais ces décisions, intervenant après un long délai, n'empêchent pas le fait et aboutissent seulement à un dédommagement par l'État. En outre, la pratique est souvent validée en première instance, lors des recours éventuels, par de nombreuses juridictions françaises qui s'en font les complices.). Il s'agit d'une pratique réfléchie et directement volontaire du Gouvernement. Pour preuve, la Cimade a constaté l'absence de nouveaux enfermements d'enfants en métropole pendant la première lecture du projet de loi Asile-Immigration à l'Assemblée Nationale, quand le sujet connaissait une légère couverture médiatique et que le ministre, voulant éviter que les députés ne votent son interdiction explicite dans la loi, s'engageait verbalement à en user avec modération. Depuis, les projecteurs se sont éloignés, et la France enferme des enfants comme jamais auparavant. Si vous voulez vous rendre compte de ce que c'est, et pourquoi c'est interdit par la Convention Européenne des Droits de l'Homme (traitement inhumain et dégradant), lisez ici. Les enfermements d'enfants sont des centaines par an en métropole, et des milliers en tout (2797 en 2017).

Mayotte. À Mayotte, les guichets « étrangers » de la Préfecture sont fermés depuis trois mois, plongeant des centaines de personnes, ayant droit au séjour ou à un renouvellement de titre de séjour, dans l'illégalité forcée, la perte de leurs droits, de leur couverture sociale etc. Pourquoi ? Parce que. D'autres énormités ont lieu à Mayotte et dans d'autres départements d'Outre-mer.

Abus, détournements ou dénis de procédure par les préfectures pour effectuer des renvois. Ceci est constant depuis des années et documenter ceci serait l'affaire d'un travail universitaire. Une chose frappante est que les juges eux-mêmes en sont parfois complices. Nous en relayons un seul exemple, donné par un avocat spécialisé. La victime est un demandeur d'asile, qui a été contraint à près trois ans d'attente pour pouvoir déposer sa demande. La maxime retirée par cet avocat est claire : « en matière de droit des étrangers, le pire est toujours sûr ».

Nous terminons par le pire, qui est aussi le plus lointain donc le moins sensible :

Accords avec la Libye et d'autres pays africains, inhumanité en Méditerranée. Nous ne faisons que l'évoquer, cela demanderait beaucoup de détails. Les accords avec la Libye enferment toujours plus dans ce pays qui est un enfer esclavagiste, les étrangers qui y transitent. L'action des pays européens pour dissuader ou rendre difficile le travail des associations faisant du sauvetage en mer, parfois au mépris du droit maritime, et leurs accords avec les garde-côtes libyens, ont accru nettement les morts, malgré une baisse des tentatives de traversée (rapport du HCR). Nous tuons, froidement. Par peur irraisonnée, rabougrissement mental, petitesse ignoble.





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