Nous vous signalons un documentaire sur France3, visible en replay jusqu'au 31 mai (ainsi qu'une autre courte vidéo, voir plus bas).
Le documentaire porte sur l'enfermement d'enfants en rétention (CRA : Centre de Rétention Administrative). Cet enfermement est un scandale depuis des décennies. Le film m'a semblé très bien fait : vous pouvez le voir et le faire voir pour faire découvrir ces réalités toujours très peu connues. À travers lui, on voit aussi la rétention en général.
https://www.france.tv/france-3/grand-est/la-france-en-vrai-grand-est/5617740-enfants-enfermes.html (il faut ouvrir un compte pour le voir ; c'est gratuit)
Quatre notes de détail sur ce documentaire.
Minute je-ne-sais-plus, vers le début : « les CRA sont les seuls lieux en France où sont enfermés des enfants de moins de 13 ans. » C'est inexact. Des enfants sont aussi enfermés en LRA (Locaux de Rétention Administrative). Plus petits que les CRA, pour des séjours plus brefs, et pires : moins bien aménagés, souvent sans accès aux droits, et sans contrôle. Personne ne sait combien il y a de LRA en France, un LRA pouvant être créé dans n'importe quel lieu de façon temporaire par arrêté préfectoral. Des enfants sont aussi enfermés en Zone d'Attente (dans les ports et aéroports, où la France enferme les gens à qui elle refuse l'entrée). Ces ZA sont une abomination mais nous vous en avons déjà parlé (exemples : https://anafe.org/une-enfant-de-13-ans-enfermee-dans-la-zone-dattente-dorly-malgre-une-decision-de-la-cedh/ ; https://anafe.org/aya-10-ans-enfermee-a-laeroport-dorly-ou-comment-la-france-viole-les-droits-de-lenfant/)
Minute 30 et suivante, propos d'un médecin : « l'administration pénitentiaire a compris qu'une détention, ce n'est pas [...] un cachot. Il y a des activités [...]. C'est à ce prix là qu'on a une détention pacifiée. » (contrairement aux CRA où on n'a rien à faire) Elle l'a compris mais n'a pas les moyens de le faire correctement, avec l'état de surpopulation et d'abandon où la France laisse ses prisons (du moins en Maisons d'arrêt ; la situation est différente dans les prisons pour plus longs enfermements).
Minute 35 et suivantes, non seulement l'administration (préfète du Bas-Rhin Josiane Chevalier) mais aussi le juge ont donc enfreint la Convention Européenne des Droits de l'Homme, de façon très grave : le juge a autorisé un traitement inhumain et dégradant d'un enfant. Il connaissait pourtant la jurisprudence de la Cour EDH, avec à l'époque (je crois) déjà 8 condamnations de la France pour ce motif. La France a été condamnée ensuite une fois de plus pour cette affaire, comme l'explique le documentaire pus tard. La justice administrative française protège les droits fondamentaux... ou parfois pas.
Minute 44 et suivantes. La France a été 11 fois condamnée pour enfermement d'enfant mais le documentaire ne donne pas l'article de la Convention qui a été enfreint. Article 3, « traitement inhumain et dégradant ». On est très haut dans l'échelle de gravité.
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Autre vidéo qui condense bien beaucoup d'information sur les CRA en général. Je me bats contre la rétention depuis 2008. La France n'aurait jamais du mettre le doigt dans cette mécanique, qui fait de nous des tortionnaires. Regardez-la, faites-la regarder, si vous voulez faire connaître rapidement de quoi il s'agit.
Deux notes.
6:49
Propos de la sénatrice « le militantisme [des associations
mandatées pour assurer l'accès aux droits en CRA] qui met un frein
à la politique de lutte contre l'immigration irrégulière ».
Elle avoue ici qu'elle souhaite que la loi ne soit pas appliquée. En
effet, quelles que soient les convictions des associations mandatées,
leur seul pouvoir en CRA est d'informer les gens sur leurs droits et
de les aider à saisir la justice s'ils le désirent. Elles font bien
ce travail, c'est tout. Voilà ce qui leur vaut leur exclusion, pour
être remplacées par des services de l'État (OFII – Office
Français de l'Immigration et de l'Intégration). Cela pourrait
placer l'État en situation de conflit d'intérêt : l'administration
devra aider les gens à faire vérifier en justice la légalité des
décisions de... l'administration. En outre l'OFII a déjà menti ou
violé la loi à plusieurs reprises dans sa charge.
Par
ailleurs, le Sénat a voté le 12 mai 2025 ce texte chassant les
associations des CRA. C'est très grave. Le texte arrivera
bientôt à l'Assemblée.
9:18
« sans même qu'elles aient pu se défendre avec un avocat » dit la
journaliste. C'est plus compliqué.
-
oui, dans les QUATRE PREMIERS JOURS, les préfectures peuvent faire
enfermer qui elles veulent sans contrôle (c'est énorme : une loi de
janvier 2024 a fait passer cette durée de 2 à 4 jours). Si
l'expulsion a lieu dans ces quatre jours, la légalité de
l'arrestation et de l'enfermement n'est jamais contrôlée.
-
les mesures d'éloignement (OQTF), elles, peuvent être contestées
devant la juridiction administrative. Avec avocat ou avocate. Mais il
arrive que les gens ne le fassent pas, pour une question de délai
extrêmement court de saisine (un seul grain de sable, hésitation,
mauvaise information, placement en LRA donc souvent sans assistance
juridique... et c'est trop tard).
- bien sûr, lors de l'éloignement lui-même, pure exécution policière, aucun ni aucune avocate n'est présente.
- Et effectivement, au moment de l’exécution de l’expulsion par la police, aucun avocat ou avocate n’est là.