samedi 26 janvier 2019

Quatre-vingt-dix jours


Prochain cercle de silence de Strasbourg
mercredi 30 janvier 2019, 18h-19h place Kléber.
Rejoignez-le , même quelques minutes.

Quatre-vingt-dix jours.

Les cercles de silence sont nés pour protester contre l'enfermement des étrangers en rétention, la « prison en attendant l'avion ».

Ce 1er janvier, la nouvelle loi sur l'immigration entre en vigueur.

Sur quelques rares points, elle apporte un progrès. Pour le reste, elle est une machine anti-étrangers aveugle et brutale.

Nous n'en soulignerons qu'un : quatre-vingt-dix jours d'entassement à ne rien faire et d'angoisse derrière les barreaux, c'est la nouvelle durée maximale de rétention. C'est une folie. On verra s'en dérouler les conséquences toutes les prochaines années. Tous les acteurs ont prévenu : les intéressés, la Police aux Frontières qui les garde, les services de santé, les intervenants juridiques. En outre, la quasi-totalité des expulsions a lieu dans les quinze premiers jours. La suite est punitive.
À Vincennes et au Mesnil-Amelot, plus de cent retenus se sont mis en grève de la faim, dénonçant leurs conditions de rétention, la violence policière et le non-accès aux soins. « Nous sommes considérés comme des prisonniers alors qu’on a juste des problèmes de papiers » ; « même les animaux sont mieux traités que nous ».

À cette occasion, la Cimade rappelle qui est en rétention, ce qu'est la rétention. Nous relayons ses exemples en bas de ce message.

Pour conclure, nous ne pouvons taire, très loin d'ici, cette vaste rétention à ciel ouvert qu'est devenue la Libye : pire, c'est « un camp de concentration à ciel ouvert, financé par l'Union Européenne », selon l'expression du maire de Palerme. Cela n'aurait pas pu se faire, et ne peut se continuer à un tel point, sans l'aide active de nos États européens.
Regardez cette vidéo du New York Times, sous-titrée par Courrier International : tout y est expliqué, du comportement des Libyens et de notre soutien à ces derniers, à l'occasion d'un prétendu « sauvetage » par les libyens, filmé par une ONG allemande.

Nous ajoutons que les faits datent de novembre 2017, avant l'enregistrement de la zone SAR de la Libye. Depuis, c'est donc bien pire : les ordres des Libyens, dans une zone dix fois plus vaste que leurs eaux territoriales, doivent être suivis par tout bateau, en matière de sauvetage. Et la Libye, de façon illégale, débarque ou ordonne le débarquement chez elle de tout naufragé secouru (c'est illégal, comme le répète le HCR, car la Libye n'est pas un lieu sûr). Vous pouvez lire, en anglais, un exemple de ce que ça donne en lisant ce fil (remontez-le et descendez-le). C'est insoutenable. Dans le cas d'espèce, plus de 100 personnes seraient mortes le 20 janvier, vu l'inaction du centre de secours libyen, si une ONG de veille téléphonique n'avait fait du bruit, alertant les médias, et provoquant finalement un secours, sur ordre libyen, par un bateau marchand. Bien sûr, la Libye a ordonné le débarquement des naufragés chez elle. Le débarquement, comme d'habitude, a été violent, et à destination d'une prison (pardon, un centre de détention d'étrangers). Bilan : un mort, un jeune de quinze ans, deux femmes enceintes tabassées et faisant une fausse couche, et des coups qui pleuvent partout. L'issue de la prison sera probablement la mort, l'esclavage ou la vente de ces gens (les étrangers sont une marchandise, en Libye). Dans tous les pays européens, cette nouvelle a immédiatement fait la une du 20 heures est restée sur un compte associatif confidentiel sur twitter. Cette histoire n'est pas une exception, juste un petit exemple : aidés par la surveillance italienne, les libyens sont en capables d’intercepter de plus en plus de bateaux tentant la traversée : 12 490 personnes durant les sept premiers mois de 2018 (+40% par rapport à 2017), source HRW.
Les dirigeants européens ont atteint leur but criminel : c'est loin, ce sont des exactions libyennes mais pas les nôtres, tout possible témoin (bateau associatif) est éloigné ou bloqué, donc on n'en parle pas.

Jusque quand tolérerons-nous ce comportement de nos dirigeants ?

Et voici des exemples de la rétention en France, qui durera désormais jusque 3 mois.

Adama, qui vit et travaille ici depuis 16 ans, est enfermé au CRA de Rennes.

Elbek, père de cinq enfants tous scolarisés, a été interpellé un matin, séparé des siens et enfermé au CRA de Toulouse en vue d'une expulsion.

Jamal se rend à la préfecture des Landes pour demander un titre de séjour après son mariage avec une française. Il est arrêté, menotté devant elle et enfermé au CRA d'Hendaye.

Ibrahima a survécu au naufrage en Méditerranée, où il a perdu son frère. Il a un obtenu un titre de séjour italien. Il arrive en France. Quatre jours après son arrivée le préfet du Lot-et-Garonne veut l’expulser en Guinée et l'enferme au CRA d'Hendaye.

Jules, bénévole de la Cimade à Cayenne, va se marier avec sa concubine, française. Le préfet de Guyane l'enferme au CRA pour l’expulser à Haïti.

Au CRA de Bordeaux un policier a dit à Adel : « Si tu es sage, tu resteras 45 jours. Sinon, on te transfèreras dans tous les CRA de France pour 90 jours ». Au moins, pas d'hypocrisie. Il ne s'agit pas d'attendre l'avion, mais de punir d'être étranger.

Après huit jours d'enfermement, l'état d'Ali est inquiétant. Il marche pieds nus, souvent torse nu, refuse toute aide et est isolé des autres personnes.
Mamadou est sorti de l'hôpital le 31 décembre après un AVC. Le préfet de Guyane l'enferme au CRA où depuis trois jours il n'a pas eu accès ni à son traitement ni à un médecin (nous ignorons la suite).

Interpellé au guichet de la préfecture des Landes alors qu’il venait déposer son dossier de régularisation, Salah est désespéré au CRA de Bordeaux. Il pleure et risque à tout moment d’être expulsé au Maroc, séparé de son enfant né en France.

Ah, et bien sûr : un ordre d'expulsion* se conteste dans les 48 heures. Après c'est trop tard, même s'il était illégal. Et voilà : comme beaucoup d'autres, Ali est enfermé au CRA de Bordeaux… un vendredi à 23h. Pendant le week-end, le voilà sans assistance pour contester son expulsion devant la justice —souvent, sans même comprendre qu'il doit la contester immédiatement. Au pire, il sera expulsé sans voir le juge, au mieux, enfermé trois mois pour rien.

*Pour être précis, une Obligation de Quitter le Territoire Français, sans délai. L'autre sorte, « avec délai de départ volontaire », se conteste dans le délai d'un mois et ne donne pas lieu à enfermement.

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