mardi 27 juin 2023

« Mes mains sont attachées, nous avons pu filmer sans qu'ils me voient, venez nous aider. »

 

Prochain cercle de silence de Strasbourg

vendredi 30 juin, 18h-19h pl. Kléber

Rejoignez-le, même quelques instants


INFORMATION IMPORTANTE. samedi 30 septembre prochain nous vous proposons de nous réunir pour une discussion sur l’avenir, l’animation et l’organisation du cercle de silence. Le cercle de silence se tiendra de 18h à 18h30, ensuite nous prendrons un moment pour cela, soit sur place (vous pouvez apporter un siège pliant ; nous en aurons quelques-un), soit dans une salle du Temple Neuf s’il pleut.


D’autre part, il n’y aura pas de cercle de silence le 30 juillet, et le prochain se tiendra mercredi 30 août.


Le rédacteur de ce message n’a jamais vu, depuis douze ans de cette tâche, un mois aussi chargé en atrocités. Il a mis deux jours à lire et faire un certain tri. Ce mois-ci (nous avons pourtant supprimé des infos importantes) :

- Des personnes violentées par la police et enfermées dans un fourgon pour être refoulées ont pu appeler à l'aide. Personne ne réagit. Aucun média ne relaye. C'est sous nos yeux, le 26 juin. Nous ajoutons deux autres témoignages photo de violence policière, en France.

- Le naufrage du 13 juin et ces centaines de morts.

- L'enquête promise par le Gouvernement après la faillite des secours et les 31 morts d'un naufrage dans la Manche en novembre 2021… n'a pas eu lieu.

- La CEDH a condamné la Grèce pour traitement inhumain et dégradant pour son camp de l'île de Leros —et nous avec, qui lui sous-traitons cela.

- Réfugiées afghanes : la France refuse tout visa et parie sur l'oubli.

- Le 31 mai, dans l’indifférence totale, un jeune homme est mort écrasé à Calais.

- En janvier 2023 le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a conclu que la France viole la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), notamment dans son « évaluation de minorité » pour enfants étrangers isolés. Elle a jusque mi-juillet pour y remédier. Que fera-t-elle ? Suspense.

- Un reportage de la radio suisse sur les Zones d'Attente (aux frontières) françaises. Avec nombreux témoignages. C'est très rare et vaut le coup.

- Un rapport terrible et désabusé de la Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté sur les Centres de Rétention : le pouvoir les enfonce délibérément dans le pire.

- Un cabinet d'avocats a soigneusement documenté le passage au bulldozer des droits fondamentaux des personnes étrangères à Mayotte (depuis des années), dizaines de pièces à l'appui sur 50 pages. Nous en donnons les grands faits en quelques lignes.

- La France a détruit les passeports de dizaines de Soudanais et Soudanaises.


C'est trop long ? Toujours-terriblement-pareil-ou-pire ? En effet. Vous pouvez vous plaindre :

M. le Ministre de l'Intérieur

Place Beauveau

75008 PARIS


• La police, en images. (a) Ici la photo de l’intérieur d’un fourgon, en Grèce.

https://www.infomigrants.net/fr/post/49931/grece--des-migrants-filmes-menottes-et-yeux-bandes-dans-un-camion-a-kos

Les gens enfermés dedans appellent à l’aide, par téléphone à une association. Je mets au présent, c'est hier et aujourd'hui. Ils ont été attrapés par des policiers, battus, volés, enfermés dans le fourgon. « S'il vous plaît, s'il vous plaît, mes mains sont attachées, nous avons pu filmer sans qu'ils me voient, venez nous aider. Regardez ce qu'il nous est arrivé et comment ils nous traitent ». La géolocalisation du téléphone indique l'île grecque de Kos. Ces gens, dont deux enfants, vont être renvoyés manu militari en Turquie. Et : 1° Personne ne fait rien. 2° De quel ordinaire ces images exceptionnelles témoignent-elles ?

N.B. : Le règlement de l’agence européenne Frontex prévoit que celle-ci peut suspendre ses activités dans un État membre, ou appliquer d’autres restrictions plus faibles, en cas de « violations graves ou susceptibles de persister des droits fondamentaux ou des obligations en matière de protection internationale ». Le responsable des droits fondamentaux de Frontex a recommandé a plusieurs reprises cette suspension pour la Grèce. Sans suite. Il a recommencé au Conseil d’Administration de Frontex des 20-21 juin derniers. Pour la première fois, le directeur de Frontex semble considérer ces propos (pas nécessairement jusqu’à une suspension). Il aura fallu le naufrage du 13 juin. Mais la décision est politique ; le CA est composé de personnes déléguées par les États membres. Bref : notre choix, politique, de la mort.

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/24/frontex-menace-de-suspendre-ses-activites-en-grece_6179048_3210.html

(b) Deux photos à Paris.

https://threadreaderapp.com/thread/1673374129444261888.html (si les photos ne s’affichent pas, ce qui arrive sur certains navigateurs, cliquer ici https://twitter.com/Utopia_56/status/1673374129444261888) Des policiers empêchent des jeunes abandonnés à la rue par l’État de se réfugier dans un parc, les contraignant à en trouver un autre, à plusieurs km. « Demain, beaucoup ont des rendez-vous chez le médecin, leur avocat ou avocate ; certains iront à l’école. Toute la nuit, ils auront peur. » Quel grand média répercute cela ?

Le mois dernier nous signalions l’intensification du harcèlement policier à Paris depuis décembre dernier, prenant désormais pour cible aussi les enfants, jusque là partiellement épargnés. En voici une incarnation.

(c) Nous signalions le mois dernier la mort d'un homme enfermé au Centre de Rétention de Vincennes, rapportée par Politis. Ce centre est emblématique de la violence structurelle des CRA. Courant juin, le même journal est y allé faire un reportage. Vous pouvez simplement en observer les photos : des corps meurtris. https://www.politis.fr/articles/2023/06/violences-policieres-insalubrite-promiscuite-au-cra-de-vincennes-la-france-inhumaine/

Le journal au aussi traité des suites (des non-suites) du décès :

https://www.politis.fr/articles/2023/06/mort-au-cra-de-vincennes-des-temoignages-contredisent-la-version-officielle/


• Le naufrage du chalutier censément secouru par les gardes-côte grecs, et ses plus de 600 de morts d’un coup, ont bien sûr été relayé, au moins un peu, dans les médias.


• Le 24 novembre 2021, un bateau de fortune sombrait dans la Manche, tuant 31 personnes. Les secours français avaient pourtant reçu ses appels désespérés, répétés. Très vite, le gouvernement a promis une enquête interne, devant l’Assemblée Nationale. On découvre aujourd’hui qu’il ne l’a jamais effectuée.

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/06/13/naufrage-de-migrants-dans-la-manche-l-enquete-interne-promise-par-le-gouvernement-n-a-jamais-existe_6177371_4355770.html

Seule l’enquête judiciaire se poursuit (à ce jour, sept gendarmes sont mis en examen).


• Le camp grec de Moria (île de Lesbos) jugé inhumain et dégradant, notamment à cause de sa surpopulation : 67 personnes placées dans ce camp avaient saisi la CEDH de leurs conditions de vie. Le 13 juin la Cour a condamné la Grèce (et en pratique, nos États de l’UE avec, qui sous-traitent la tâche à la Grèce). https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-225211


• Une tribune de 13 personnalités : « Réfugiées afghanes : le gouvernement français parie sur l’oubli » (pour ne pas leur donner de visa).

https://www.gisti.org/article7008


• Le 31 mai, dans l’indifférence, un jeune homme est mort à Calais, renversé par un camion. Il avait probablement 26 ans, venait du Soudan.

https://www.leparisien.fr/faits-divers/calais-un-migrant-soudanais-meurt-percute-par-un-camion-31-05-2023-6HJD4WUA4NDGBH2NZS5X5N5SZM.php

 

• Le 25 janvier 2023 le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a conclu que la France viole plusieurs des droits garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).

https://www.infomie.net/IMG/pdf/crc_c_92_d_130_2020_35032_f.pdf

Cela concerne notamment la procédure de l’évaluation de l’âge des enfants étrangers (vous savez, celle qui ne respecte pas les standards minimaux de sérieux, et qui mène à la rue des centaines d’enfants estimés majeurs, dans un état de fantômes juridiques jusqu’à décision judiciaire finale sur leur cas).

Le Comité a demandé à la France de se mettre en conformité d’ici fin juillet. Quelle sera la réponse de la France ? Suspense (ou pas suspense).


• La Contrôleuse Générale des pieux de Privation de Liberté a publié le 22 juin des recommandations après sa visite des tous les CRA, et ici plus précisément de ceux de Lyon, Sète, Metz et du Mesnil-Amelot (=Roissy). Lisez si vous voulez. C'est insupportable.

https://www.cglpl.fr/2023/recommandations-relatives-aux-centres-de-retention-administrative-de-lyon-2-rhone-du-mesnil-amelot-seine-et-marne-de-metz-moselle-et-de-sete-herault/

La Contrôleuse signale l'absence de toute volonté du pouvoir d'y remédier : « Les constats récurrents du CGLPL relatifs aux CRA semblent ne pas porter leurs fruits en dépit des engagements pris à la suite de ses visites. Les mesures de rétention, dont l’efficacité opérationnelle n’est pas démontrée, croissent en nombre et en durée. Les conditions de rétention se dégradent [locaux vieillissants, suroccupés, inadaptés à de longs d'enfermements ; organisation inadéquate et sans considération des droits des personnes enfermées]. »


• La vie en Zone d’Attente (l’enfermement aux frontières des personnes auxquelles la France refuse l’entrée sur son territoire , temporairement ou définitivement) : un documentaire audio de la Radio télévision Suisse, « Enfermés nulle part », avec des témoignages. C’est rare.

https://www.rts.ch/audio-podcast/2023/audio/enferme-es-nulle-part-26128647.html

NB : j’y ai appris que l’assistance juridique est effectuée en grande part par par des bénévoles de l’association Anafé. Je croyais que comme ce qui se passe dans les CRA, l'Anafé était une association mandatée et payée par l'État pour assurer l'assistance juridique. Eh bien non. Des gens ont créé l'Anafé en 1989 pour (entre autres) assurer cette assistance, qui n'était pas prévue. L'État, depuis 2004, a bien voulu l'autoriser à entrer en ZA, sous condition et à titre gratuit*.

Extraits. [À l’audience de contestation de l’enfermement devant une Juge des Libertés et de la Détention, quatre jours après le début de celui-ci] « Un enfant se dirige vers ses parents, assis près de nous. Un policier l’arrête et lui demande de s’asseoir sur le banc des personnes jugées, de l’autre côté. » [C’est donc un enfant enfermé en zone d’attente, seul. Oui, cela se produit continuellement. Par ailleurs cela signifie que ses parents sont en France : ils sont assis dans le public. L’enfant enfermé en ZA a nécessairement été intercepté dès la sortie de l’avion ; il n’a donc pas pu voir ses parents à l’arrivée.]

« À mon premier jugement il y avait aussi un enfant de sept ans. Ils l’ont jugé comme s’il était adulte. »

« J’ai froid. Ils ne m’ont pas donné ma valise. La Croix Rouge l’a demandée trois fois à la police. Ils ont refusé. Donc mon fils et moi on porte toujours les mêmes habits. Depuis qu’on est arrivés, tous les soirs je lave nos sous-vêtements. Je les étends et quand on les remet le matin ils sont encore mouillés. »

« En arrivant à la frontière ici à Lyon on m’a dit que j’étais interdit de territoire, et de l’espace Schengen. Ils pouvaient pas me dire pourquoi ou comment. Je ne sais vraiment pas comment je vais pouvoir résoudre ça. Tu es persona non grata. Pas plus d’info. » [Les gens n’ont pas ou peu d’info et ne comprennent rien. Le peu d’explication est donné avec des bouts de ficelle par des bénévoles associatifs, qui appellent les cabines téléphoniques des ZA et attendent que quelqu’un décroche ; c’est ainsi qu’ils et elles joignent les personnes enfermées.]

« Il a donné [aux policiers] les documents qui, selon lui, manquaient [imprimés dans le bureau de la Croix-Rouge]. Ils ont refusé de reconsidérer la situation et lui ont dit d’attendre le jugement. Il leur a dit : `mais quel jugement ?’ »

« Ici c’est le stress, ici c’est la prison. Partout il y a les policiers, ils sont armés partout. Ils nous parlent : `Vous venez faire quoi ici ? La France n’accueille plus les migrants […]. Rentrez chez vous.’ »

« Ce qui était inadmissible ou incroyable pour moi il y a une semaine, ça devient votre quotidien et voilà. »

[Une bénévole associative, au téléphone avec une femme enceinte de 7 mois se plaignant de vomissements] « Ils vous ont plaquée au sol pour vous menotter ? Ils ont appuyé sur votre ventre du coup. »

« Je suis dans l’avion en train de partir. Il y a cinq ou six [policiers] qui sont venus, avec une camisole. »

« Ils m’ont attaché les mains, ils m’ont attaché les pieds. »

(*) Conséquence : donner à l’Anafé n’est pas de la générosité, c’est pallier notre défaillance collective à garantir les droits fondamentaux. Pour donner: http://anafe.org/spip.php?article9


• À Mayotte, l’écrasement des droits fondamentaux par la France est la norme, depuis toujours, bien au-delà de l’opération Wuambushu. Ces droits sont précisément faits pour protéger de la raison d’État. Mayotte est un laboratoire qui montre que quelques dispositions procédurales dérogatoires, quelques pratiques administratives, et le zèle parfois mesuré de la Justice administrative à les garantir, les réduisent à rien. C’est la raison d’État qui s’applique, de façon industrielle.

Un cabinet d’avocat a recensé les faits qui constituent cet écrasement, avec d’innombrables preuves à l’appui.

https://thirdcloud.fr/index.php/s/axXg6kqBzA4P9xL.

C’est accablant : déportations collectives sans examen des situations (interdites par le Protocole 4, article 4, de la CEDH) ni recours, nourrissons séparés de leur mère, familles déchirées, personnes en séjour régulier expulsées faute de RV en préfecture pour renouveler le titre de séjour, enfants enfermés seuls en rétention, et/ou rattachés fictivement à des adultes sans lien avec eux, attribution de fausses dates de naissance, impossibilité pratique pour les personnes en rétention d’exercer leur droit à l’assistance d’avocat, procès-verbaux qu’on peut légitimement soupçonner de mensonge récurrent, parfois avéré (mais acceptés semble-t-il systématiquement comme preuves par la Cour d’Appel), procédures juridictionnelles sans égalité des armes face à l’Administration, rejets par ordonnances de tri –et condamnations répétées de requérants à des amendes pour avoir demandé un délai pour rassembler des pièces, dans des affaires qui doivent être traitées très vite–, absence de recours dans d’innombrables situations, ou de recours effectivement praticable, et enfin mauvais traitements : enfermements pendant plusieurs heures dans des fourgons, sans aucun droit, éloignements inhumains. La lecture est insupportable.


• Il y a un an, le 3 juin 2022, le Conseil d’Etat contraignait le Gouvernement a revoir sa procédure de dématérialisation des démarches en préfecture pour les étrangers. Un accueil physique doit demeurer possible. Réaction du Gouvernement ? C'est encore pire aujourd'hui. Il est beau, l'« État de droit ».

https://www.lacimade.org/presse/dematerialisation-des-demandes-de-titre-de-sejour-les-pouvoirs-publics-font-lautruche

L'effet concret : cela brise des vies, par milliers. L'impossibilité d'un RV en préfecture prive de tout droit. Fait perdre travail, droit au séjour, à la vie de famille, à la couverture sociale. Peut aboutir à l'enfermement. À l'expulsion.


• Au Soudan, des gens avaient déposé leurs passeports à l'Ambassade de France pour obtenir un visa. Ils y ont le plus souvent droit (par ex. rapprochement familial avec des gens reconnus réfugiés). L'ambassade a gardé ceux-ci jusqu'à un an, sans donner suite. Et lors de l'évacuation qui a fait suite aux combats dans Khartoum, l'Ambassade a… détruit les passeports. Ces gens se retrouvent complètement coincés.

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/23/des-soudanais-coinces-dans-la-guerre-apres-la-destruction-de-leurs-papiers-par-l-ambassade-de-france_6178951_3212.html

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