Prochain
cercle de silence de Strasbourg
lundi
30 décembre 2019, 18h-19h pl.
d'Austerlitz
Rejoignez-le,
même quelques instants
Attention au lieu
inhabituel à cause du marché de Noël.
Les
cercles de silence ont été créés en réaction à la rétention
des étrangers : pour faire connaître sa violence et
protester.
Nous
vous emmenons une fois de plus ce mois-ci dans cette violence,
dans nos centres de rétention, et plus loin : dans les camps
grecs où l'UE sous-traite le parcage des étrangers, et en Libye où
elle sous-traite leur mise à mort, leur torture et leur esclavage.
La
lecture prend un peu de temps. Ça tombe bien, ce sont les
vacances pour beaucoup.
Nous
avons au maximum collecté des témoignages directs. Ceux qu'on
entend si peu. Ce temps, ils le valent1.
Car nous
faisons cela. Nos
lois, nos administrations, avec notre argent. Ce faisant, nous
nous rendons inhumains. Posez-vous
la question : tout
ce qui suit dans ce message, le feriez-vous de vos mains ?
Collectivement
nous le faisons.
Peut-être
vous direz-vous :
« À
quoi
bon ? On n'y peut rien. » Rendez-vous en fin de message à
ce propos.
1°
La rétention en France.
De
nombreux témoignages sur ce qui s'y passe sont disponibles, depuis
des années.
L'information est là. Curieusement, elle est quasi-absente de tout
grand média. Ces gens ne comptent-ils
pas ?
La
rétention : long tunnel
de vide et de promiscuité, absence de soins, enfermement
de gens atteints
de troubles psychiatriques sévères, automutilations
(veines tranchées, verre ou
lames de rasoir avalés,
grèves de la faim…),
suicides et tentatives de suicide2,
violences policières, et l'angoisse de l'avion, et le tribunal et la
prison si on résiste, des
gens mené à l'avion
scotchés et menottés, et au
bout, de nombreuses expulsions absurdes ou dangereuses pour la vie
des personnes.
Allez
lire ces dix
témoignages lapidaires (une à deux lignes) rassemblées par une
intervenante au CRA du Mesnil-Amelot à côté de Roissy. Voilà
la réalité hideuse de la machine à enfermer et expulser.
Feriez-vous cela à ces
gens de
vos mains ?
Vous
pouvez écouter ici
une série de très courts témoignages (de
quatre
minutes environ) recueillis au CRA de Rennes par la Cimade. Ils
ne sont pas des anecdotes, au
contraire dressent par
touches un
panorama remarquablement dense de la rétention.
Parmi
ces témoignages voici un
Soudanais renvoyé, dont
toute la famille a été massacrée au Darfour3.
Écoutez la dureté de son
parcours jusqu'en France. Puis
l'attitude de la France.
Cette
expulsions vers le Soudan n'est pas isolée, avec des bonus de
violences policières4
Voici
un jeune renvoyé alors qu'il
est depuis douze ans
ici et que toute sa famille encore
vivante est désormais en
France, en situation régulière. Il n'a plus personne là-bas.
Écoutez jusqu'au bout.
Il
est lucide : « Je sais que rien ne va changer avec mon
témoignage, mais il faut que les gens sachent ce qu'il se passe. »
Voici
des familles déchirées. Des gens qui ne reverront plus leurs
enfants5,
souvent tout jeunes. Avec interdiction de retour dans l'espace
Schengen6
sous peine de prison.
Renverriez-vous
ces gens de vos mains ?
La
rétention est juste un moyen d'empêcher une fuite avant
l'avion.
En théorie. En fait c'est une peine de prison. Écoutez la dureté
gratuite qu'elle est devenue —dans
sa version ordinaire, sans parler des dysfonctionnements qui
s'ajoutent.
Écoutez. Aucun délit n'est reproché à ces gens. Ici :
https://soundcloud.com/cimade_rennes/chronique-description-cra
elle
devient en outre aussi un enfermement gratuit
https://soundcloud.com/cimade_rennes/chronique-detournement
Enfermeriez-vous
ainsi des gens de
vos mains ?
Et
bien sûr, encore et
toujours l'enfermement des enfants. Plus
de mille chaque année. Nous
en avons déjà parlé. De
nombreux professionnels de santé pointent le traumatisme durable
que, même bref, il
constitue. La Cour Européenne des Droits de l'Homme l'a jugée
illégale car contraire à la Convention Européenne des Droits de
l'Homme, condamnant six fois la France et les autorisations rendues
par nos
juridictions internes.
Mais d'une part comme la loi française ne l'interdit pas, beaucoup
de juges continuent de valider, et d'autre part beaucoup
d'enfermements sont suivis si vite de l'expulsion qu'aucun juge n'est
saisi.
Pour
vous donner une idée du sérieux administratif en matière de
rétention : on apprend au détour de cette histoire
qu'une
enfant de douze ans,
prostituée par un réseau et
arrêtée, mentant sur son âge,
a été placée en rétention (premier
réflexe face à une victime de proxénétisme !).
Vérifier impitoyablement la
minorité des jeunes avant prise en charge par l'Aide Sociale à
l'Enfance, c'est capital. Mais enfermer une enfant de douze ans n'a
fait tiquer personne. Elle a ensuite tout raconté à la police,
permettant le démantèlement du réseau.
Et
n'oublions pas
les enfermements en « zone d'attente » des aéroports7.
Des
centaines
chaque année.
https://twitter.com/anafeasso/status/1202189613332402176
Zone
où un enfant de deux ans peut être séparé arbitrairement de sa
mère
(vous
pouvez toujours signer les pétitions
https://agir.lacimade.org/retention
et
http://lp.unicef.fr/vous-avez-la-cle)
Feriez-vous
cela à ces enfants de vos
mains ?
Le
poète Mathieu Gabard a publié 115
propos d'hommes séquestrés,
dont
des extraits sont publiés ici
(arrestations), là
(séquestration) et là
(expulsion).
Extraits :
« j’ai
plus de quarante fiches de paye et j’étais déclaré, CDI. […]
Moi je suis jamais rentré en prison comme ça, j’ai jamais
eu des menottes sur les mains. J’étais en train de travailler au
chantier. »
« À
Melilla, j’ai dit que j’avais vingt-et-un ans. Parce que si tu
dis que tu es mineur, ils te gardent.
Arrivé ici j’ai dit que
j’avais dix-sept ans —mon vrai âge. […] Ils m’ont fait un
test osseux, m’ont dit que j’avais dix-huit ans. […] J’ai été
condamné pour faux et usage de faux. Ils m’ont mis six mois de
prison […] Je suis arrivé [… au CRA], direct de la prison8. »
« Ils
traitent des animaux mieux que nous. [...] On n'est
pas des humains ici. »
« Nos
familles s’inquiètent, ça bouleverse tout le monde. »
« [Les
policiers] sont techniciens, ils savent où frapper pour te faire mal
et que t’arrêtes de crier. »
Infligeriez-vous
cela de vos mains ?
Ah,
et visiblement les CRA ne suffisent pas à la folie gouvernementale.
Le
mois dernier nous vous parlions du local d'enfermement illégal de la
Police Aux Frontières à Menton, dépourvu des garanties données
par la loi dans ce type de lieu. Nous découvrons
ce témoignage audio, qui nous
avait
échappé. Il est question de froid, de privation de nourriture et
d'accès à médicament et effets personnels, d'électrocution, de
gaz lacrymogène en lieu confiné, dans un lieu d'enfermement
illégal. Ça
dépasse ce que nous imaginions.
https://soundcloud.com/cimade/temoignage-paf-menton
Cela
a été repris dans un journal à France Inter (1er
sujet) :
Et
alors ? Et alors rien.
La
France est le pays d'Europe qui enferme le plus de personnes par
an en rétention (plus de
45000 en 2018). Il y a un an
la durée maximale de rétention passait de 45 à 90 jours.
L'ouverture de 480 places supplémentaires est planifiée. L'argent
est difficile à trouver pour beaucoup de choses mais pas pour cela.
Nous
finissons par une note plus simplement sensible, un peu au-delà de
la rétention. La Cimade a lancé une campagne de mini-vidéos (une
minutes) de témoignages d'étrangers. C'est ici et ça vaut le
coup : https://www.lacimade.org/quand-tout-bascule/
2°
Les camps grecs.
Ils
ont été établis, sur des îles grecques, comme lieux de transit et
d'orientations (« hotspots »)
par nos États européens. Mais aujourd'hui, 37
000 personnes s'entassent,
bloquées des années dans
des camps de 6200 places prévus pour des séjours de 25 jours.
L'État grec est laissé seul. C'est loin alors tout le monde s'en
fiche.
La
situation est devenue catastrophique.
Un
WC pour 65 personnes. Une douche pour 90. Quasi pas de soins, sauf
ceux prodigués par MSF.
Seul
1 % des enfants sont scolarisés, dans des écoles grecques (et
nous vous laissons réfléchir à la question : dans quelle
langue devrait-on faire cela ? Leur pays d'établissement final
demeure incertain). Désœuvrés, laissés dans la boue, mal nourris,
ils développent de graves troubles. Une
dizaine de tentatives de suicide d'enfants de moins de dix ans a été
récemment dénombrée.
La situation est pire
encore dans les bidonvilles qui ont fleuri hors des camps par
nécessité.
Parmi
ces mineurs, 4000
sont sans famille.
Le premier ministre
grec a demandé en vain d'en accueillir 3000
(soit 0,0006 % de la population de l'UE) à
ses partenaires européens.
Il accuse ces
derniers de
considérer les pays d'arrivée dans l'Union, au premier rang la
Grèce, comme « des
parkings bien commodes pour les réfugiés et les migrants ».
Il
indique qu'il
évacuera ces mineurs isolés et les logera, aux
frais de
la Grèce,
dans la partie continentale du pays.
Les
soins sont quasi inexistants. L'association des pneumologues grecs
avertit qu'une épidémie
de tuberculose peut survenir dans un avenir proche.
« Le problème n'est pas les réfugiés et migrants, mais la
maladie elle-même. »
Cet
automne, trois enfants
sont morts en trois mois,
dont un bébé de neuf mois, de déshydratation.
La
France a récemment annoncé sa « solidarité »,
admettant 400 occupants des camps grecs chez elle. Ça
représente 0,7 % des 55
000 arrivées de 2018 en
Grèce et 0,0006 % de la population française. En 2015 et 2017
nous
avions
admis
un peu plus
de 4000 personnes. En matière
de miette, nous battons notre record !
3°
La Libye
Nous
en avons déjà longuement parlé ; elle est un
camp de concentration à ciel ouvert pour étrangers jugés
indésirables. Nous, via l'Union Européenne,
finançons et équipons ses gardiens (un demi-milliard
d'euros depuis fin 2015, censément affectés à 40 % à
l'assistance aux migrants, avec effet quasi-nul sur ce point).
Nous
sommes complices. Et malgré la
petite émotion suscitée en 2017 par la preuve irréfutable de la
pratique de l'esclavage là-bas, personne n'en parle. Ce
faisant, nous sommes deux fois complices.
Nous indiquons seulement
une nouvelle référence.
MSF demande à tous de
l'aider à remettre ce sujet sur la table. L'association, un des
très rares témoins de terrain, publie un petit webdocumentaire.
Même si vous avez suivi nos messages sur le sujet, vous y
apprendrez, et surtout verrez des témoignages directs. On
peut y faire son choix.
La machine à broyer
https://msf2016.atavist.com/libye-la-machine-a-broyer
Renverriez-vous
de vos mains des gens dans cet enfer ?
(Par ailleurs on apprend
au détour de ce documentaire de France 24 qu'un étranger « sauvé »
en mer par les Libyens et qui essaie de fuir la
mise en prison lors
de son débarquement à Tripoli peut être purement et simplement
abattu. C'est banal mais voici un cas documenté
https://www.france24.com/fr/afrique/20191209-libye-piege-infernal-migrants-habitants-tripoli-conflit-milices)
« On
n'y peut rien » ?
Les
gouvernants sont sourds en effet. Mais au moins deux choses sont
possibles :
–
informer autour de
vous.
Vous pouvez répercuter ce message. Visiter
et faire
visiter le site http://www.lacimade.org
et sa très
à jour rubrique actualités.
Témoigner
si vous connaissez personnellement des étrangers en difficulté. La
parole des étrangers n'est presque jamais répercutée, et la
réalité du sort qui leur est fait est constamment occultée. Ceci
entretient au
mieux l'indifférence,
et souvent
la peur et
la
haine.
Informer
est capital, même si sans effet immédiat.
–
donner,
si vous en avez, du temps ou
de l'argent à des
associations actives auprès des étrangers.
1« C'est
toujours pareil » nous avait un jour répondu un journaliste
qu'on informait une fois de plus de ce qui se passe en rétention,
pour expliquer que son média ne répercute pas. Même cela n'est
pas vrai. C'est lentement de pire en pire. Et toujours extrêmement
peu connu. Sondez autour de vous : qui sait tout cela ?
2Après
une tentative de suicide dans ses bureaux du CRA du Mesnil-Amelot le
10 décembre, la Cimade a exercé son droit de retrait : les
conditions de travail de ses agents ne sont plus tenables. C'est le
deuxième exercice de ce droit en un an.
https://www.lacimade.org/presse/retrait-de-la-cimade-du-cra-du-mesnil-amelot-apres-une-tentative-de-suicide-dans-ses-bureaux/.
Un jeune Roumain s'est pendu au CRA de Rennes le 19 décembre. Il
est longtemps resté entre la vie et la mort. En juillet 2019 quatre
tentatives de suicide ont eu lieu au CRA du Mesnil-Amelot
(https://www.streetpress.com/sujet/1564575540-sans-papiers-tentatives-suicide-cra-mesnil-amelot),
et trois en février 2019 au CRA de Coquelles, Nord
(https://www.nordlittoral.fr/art/id119926/article/2019-02-23/trois-tentatives-de-suicide-en-une-semaine-au-centre-de-retention-de-coquelles).
Un Tunisien trentenaire s'est pendu et est mort au CRA de
Toulouse-Cornebarrieu le 21 septembre 2018 ; sa rétention
venait d'être prolongée par le juge sur demande du préfet.
3Dans
le cas présenté, la personne a vu sa demande d'asile refusée par
l'OFPRA. Plus tôt que de raconter sa vraie histoire, elle avait
acheté un récit auprès de compatriotes malveillants, qui lui
avaient fait croire à la nécessité d'affabuler pour obtenir le
statut. Nous soulignons que si ces escrocs sont responsables
évidemment, la première responsabilité revient à notre pays.
Nous organisons en effet l'« accueil » le pire possible
pour les demandeurs et demandeuses d'asile, abandonnées à la rue,
souvent mises dans l'impossibilité même d'obtenir un rendez-vous
pour s'enregistrer ; l'aide à la constitution du dossier est
attribuée à des associations par appel d'offres sur la base du
prix le plus bas etc. C'est
cet abandon qui ouvre la porte aux escrocs. Sans doute des milliers
de personnes ont ainsi été escroquées, mettant leur vie en
danger.
4« Dans
l’avion, l’un des escorteurs m’a dit que je ne devais plus
parler, que je devais garder le silence. Il m’a mis la main sur le
nez et la bouche, je n’arrivais plus à respirer, j’ai commencé
à étouffer et à cracher, d’autant plus que je suis asthmatique,
le policier m’a dit « arrête ta comédie », il m’a
accusé de faire semblant. » L'affaire est allée en justice.
Verdict : quatre mois de prison ferme. Pour la personne
expulsée.
5Les
juges valident. Nous avons par exemple vu un juge administratif
jugeant, dans le cas du renvoi d'un père de jeunes enfants
français, que le renvoi était légal car ne priverait pas les
enfants du contact avec leur père : « le contact
téléphonique reste possible ». Ouf tout va bien.
6Juridiquement,
interdiction de retour en France. En pratique, suite à
l'inscription des noms dans un fichier de l'Union Européenne,
interdiction également dans toute la zone Schengen.
7Où
ces personnes n'ont pas accès à un avocat dans leur procédure de
refus d'entrée, ce que le Conseil Constitutionnel vient de juger
conforme à la Constitution. C'est merveilleux.
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2019818QPC.htm
8Ce
type de situation sur l'âge, avec condamnation pénale puis
expulsion, est récurrente, abondamment documentée par de nombreux
professionnels. Il est encore facilité et rendu plus fréquent
depuis la nouvelle loi asile-immigration et la fichage des personnes
se déclarant mineures qu'elle met en place, et le recoupement avec
les fichiers de contrôle migratoire.
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