Ce texte est une annexe à notre billet précédent : commentaire (n'engageant que son
auteur, webmestre de ce blog) de la décision du Conseil d’État,
refusant d'ordonner la fermeture des Centres de Rétention. Il
base essentiellement sa décision sur deux motifs. a) Les
conditions de rétention ne seraient « pas menaçantes » pour la
santé et b) l’État a dernièrement pu procéder à
quelques éloignements, prouvant que quelques-un restent possibles,
et en conséquence la rétention potentiellement justifiée. MAIS :
a) Sur les conditions « pas menaçantes »
pour retenu(e)s et personnels : le Conseil d’État se base d’une
part sur le fait que les CRA sont récemment devenus assez peu pleins
(37 personnes pour 120 places au Mesnil-Amelot tout de même ; je
crois savoir que les chambrées sont de six, et le centre n’est de
toute façon pas adapté à une distance mutuelle constante), d’autre
part sur des papiers : des consignes qui ont été transmises aux
chefs de CRA il y a deux semaines. Autrement dit, il n'y a pas de
menace parce que l'administration le dit et a envoyé le bon papier.
Mais de nombreux témoignages montrent des mises en danger de divers
types (en plus du témoignage de l’avocate ci-dessus dans ce
billet, un
petit florilège est par exemple rassemblé ici), y compris dans
des centres peu pleins —retenus même pas informés des mesures
anti-épidémie à respecter, problèmes de langue…—, et de
menaces indirectes (audiences de demandes de mise en liberté dans
des salles exiguës, proximité due au menottage, etc.). Quel
est ce jugement sur papiers ? Où est l'instruction des faits ?
b) Des « éloignements »,
rares, ont lieu, preuve de leur non-impossibilité (c’est
vrai et c’est d’ailleurs un scandale). Certes. Ils
contreviennent de toute façon aux recommandations de l'OMS et le
Conseil d’État est muet sur ce point.
c) On pourrait comprendre que le Conseil
d’État estime que la fermeture des CRA serait une décision
souhaitable, mais politique et non juridique, car peut-être de rares
personnes pourraient être retenues non illégalement. C'est
d'ailleurs ce qu'il suggère, ajoutant dans sa conclusion :
Il n’appartient pas [au juge] de se prononcer sur l’opportunité des décisions de l’autorité administrative ni de juger de la cohérence de ces décisions avec d’autres actions menées par les pouvoirs publics.
Donc, laisser ouverts les CRA resterait légal,
même si pas souhaitable. MAIS ALORS il faudrait donner une marche à
suivre : la rétention serait légale sous conditions, précises,
vérifiables : un mode d’emploi pour les préfectures. Au lieu de
cela le Conseil d’État laisse l'État libre, et on sait hélas
l'usage que celui-ci fait de cette liberté. Certes, il s'agit d'un
référé, qui décide en urgence de mesures provisoires motivées
par une illégalité manifeste portant atteinte à un droit
fondamental. Mais le Conseil d’État doit être une entrave à
l'arbitraire, il refuse de l'être.
On a vu le résultat avec le local illégal
d’enfermement de la Police Aux Frontières à Menton. Résumé
personnel du jugement
du 5 juillet 2017 : « puisque l'administration affirme qu'elle
n'enferme pas pour plus de quatre heures, je juge que c'est légal »
(ce délai maximal de quatre heures est une création de circonstance
par le Conseil d’État et ne repose pas sur une loi). Conséquence
: l'administration continue d'enfermer illégalement, hors de toute
loi et de tout contrôle (la séquestration est un crime qui se juge
aux assises) pour bien plus de ces quatre heures, puisqu'il n'existe
aucun mécanisme de vérification. Ce scandale est extrêmement
documenté depuis trois ans. Eh bien ici à nouveau l'effet de la
décision est le suivant : le Conseil d’État fait confiance à
l’administration, alors que sa mission est de la contrôler.
Aurait-il motivé sa décision de façon si brève, et sans
l'assortir de conditions, si la partie requérante avait représenté
des intérêts puissants à la forte respectabilité sociale ?
Nous avons vu une certaine quantité de ces
jugements formels (de diverses juridictions) donnant raison à
l’administration : « Formellement, tout va bien. Requête rejetée.
»
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