samedi 30 mai 2020

Une photo


Le cercle de silence de Strasbourg de mai 2020 n’aura pas lieu.
À défaut, nous vous invitons à contempler la photo ci-dessous, et ce qu’elle dit de nous.


Le nombre d’avanies commises contre les étrangers déborde de loin les capacité de digestion et de synthèse de notre pauvre énergie bénévole. Nous vous invitons ce mois-ci seulement à contempler une photo (source ici) :
https://pbs.twimg.com/media/EZGbUk0XQAcyE-r?format=jpg&name=small

C’est ce que voient désormais les requérants ou requérantes à la Cour Nationale du Droit d’Asile : depuis les chaises au premier plan, le visage du ou de la juge en tout petit sur l’écran.
Juge unique, au lieu des formations de trois prévues par la loi.
Le gouvernement a pris prétexte de l’épidémie pour organiser ainsi ces audiences, au moins jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Il est vrai que les enjeux devant cette Cour sont minimes : il ne s’agit en général que de la vie ou de l’intégrité physique des gens, qui demandent le statut de réfugié. Jamais des gens risquant leur vie ne seraient renvoyés, voyons.

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Pourquoi par vidéo ? Officiellement, pour éviter des occasions de contamination. Mais alors, pourquoi par juge unique ? Officiellement, aussi pour éviter des occasions de contamination.

La vidéo et la formation de juge unique devant la CNDA ne sont pas des affaires nouvelles. Sur le juge unique (à l’occasion des rejets par ordonnance), voyez par exemple ce précédent message. Les vidéo-audiences, prévues par la loi asile de 2018, avaient suscité un tollé et la grève chez les avocats et avocates, qui avaient mené, pour l’instant, à leur suspension. Comment voulez-vous vous faire comprendre de la Cour, en une demi-heure, dans une langue qui n’est pas la vôtre, dans un contentieux où il s’agit avant tout de juger de la crédibilité d’une personne et de son récit, à travers un écran ? Et l’interprète, l’avocat(e) doivent choisir : être avec les juges ou les parties ?

Notre pays, au moment de contraindre les gens à repartir loin, n’hésite pas à se saisir physiquement de leur corps, à menotter, à enfermer, et à expulser au sommet de la vague épidémique, malgré les recommandations de l’OMS.
Mais sous prétexte de « lutte contre l’épidémie », il refuse même que ses juges les voient en chair et en os. Traitons ces gens par écran interposé !

Ceci est un pur scandale. Le Syndicat de la Juridiction Administrative, le syndicat majoritaire des magistrats administratifs, s’y est officiellement opposé et « s’alarme des conditions très dégradées dans lesquelles est rendue la justice ».

« Le vrai motif de tout cela n’est pas la crise sanitaire, mais de remplir des objectifs statistiques », estime une source interne à la Cour citée par le Monde. « Il s’agit de compenser la grève des avocats (en 2018 suite aux audiences vidéo…), celle des transports (2019) et le confinement. » Le gouvernement craint que des délais longs de jugement (7 mois au lieu des 5 légaux, actuellement) rendent « attractive » la France pour des personnes ne relevant pas du statut de réfugié. La peur de l’autre et les fantasmes habituels justifient tout.

MISE À JOUR 17 JUIN 2020
Même le Conseil d'État a vu que cette décision gouvernementale posait un énorme problème, en tout cas pour ce qui est de la généralisation du juge unique à la CNDA. Dans une décision en référé le 8 juin 2020, il a suspendu cette disposition.
Par ailleurs l'association CASAS nous fait savoir que la CNDA ne dispose que d'une salle de vidéo-audience et que pour cette raison matérielle, ce type d'audience est heureusement peu fréquent et que les avocats et avocates demandant plutôt un renvoi à une date ultérieure l'obtiennent souvent.

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